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Désamorcer la crise iranienne


Vinod  Saighal,  ancien  attaché militaire  indien à Paris, est l’auteur de trois ouvrages :
Third Millenium  Equipoise, Dealing with Global Terrorism : The Way Forward, ainsi que Global Security Paradoxes : 2000-2020. Il fait  ici, du point de vue indien, une analyse très pertinente de l’imbroglio iranien.

Il ne fait de doute pour personne que sur la scène internationale l’Inde a joué en dessous de sa catégorie, surtout au cours des dernières années. Que ce soit dû à une incapacité à résister aux pressions américaines ou à des considération électorales comme la politique des vote bank , il y a eu des fautes politiques majeures à l’égard deux voisins avec lesquels le pays devrait entretenir des relations étroites. Il s’agit du vote contre l’Iran à l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique de Vienne il y a plusieurs années de cela, et le vote plus récent au Haut Commissariat des droits de l’homme de l’ONU contre le Sri Lanka.
Ces deux votes malvenus ont jeté de l’eau froide sur les relations avec ces deux pays. Plus grave, la stature de l’Inde sur la scène international en a pâti, et nombre de pays, spécialement dans la région, ont pensé qu’un pays de la taille de l’Inde, avec son poids économique grandissant, n’était pas capable de maintenir avec fermeté ses intérêts géopolitiques et géostratégiques. Le fait qu’elle soit membre de plusieurs forums internationaux tels que le BRIC et l’IBSA entre autres ne suffira sans doute pas à réparer les dégâts rapidement, à moins qu’elle ne se saisisse de l’opportunité qui se présente aujourd’hui de résoudre un question insoluble. Il s’agit de l’Iran et de sa recherche d’une capacité militaire, civile ou militaire.
A l’évidence, le problème à suppuré longtemps et ne semble pas s’approcher d’une quelconque solution. L’Iran doit faire face à une formidable opposition. Outre les Etats-Unis, Israël et l’Union européenne, plusieurs des régimes arabes sunnites seraient heureux de voir le potentiel nucléaire de l’Iran neutralisé, au besoin par des frappes militaires. Son premier partisan est évidemment Israël, sans égard pour les conséquences régionales ou l’économie mondiale, convaincu qu’en année électorale, les Etats-Unis n’ont d’autres choix que de le soutenir à fond s’il choisissait de frapper les installations nucléaires iraniennes en 2012. La dévastation potentielle et les remous provoqués dans le Golfe et toute la région ont été abondamment soulignés par les commentateurs dans le monde. La plupart d’entre eux mettent l’accent sur la rupture d’approvisionnement en pétrole et la hausse des prix qui s’en suivrait. En revanche ils ont souvent négligé les conséquences à long terme de ces frappes militaires sur la quasi-totalité des pays qui entourent l’Iran, qu’ils soient amis ou ennemis.
Rappelons d’abord que les Iraniens se sont préparés à l’éventualité d’être attaqués par les systèmes d’armes israéliens et américains les plus sophistiqués. La plupart de leurs installations ont été enfouies si profondément que les experts militaires des pays prêts à frapper concèdent que si le programme nucléaire iranien pouvait être retardé de dix ans, il ne pourrait néanmoins être mis définitivement hors-jeu. Pour arriver à ce résultat, Israël et les Etats-Unis devront utiliser les bombes massives anti-bunker, qui sont en fait de mini bombes nucléaires contenant suffisamment d’éléments radioactifs pour contaminer les sites pour longtemps. Cette contamination s’étendrait sur un rayon de plusieurs centaines de kilomètres dans toutes les directions, touchant la plupart des pays arabes, Israël lui-même, la Turquie, Les républiques d’Asie centrale, le Pakistan et le Nord-ouest de l’Inde. Cela devrait alarmer les pays exposés à des degrés variés aux radiations qui en résulteraient. Cela s’ajouterait aux dégâts économiques induits par une très forte hausse du prix du pétrole, qui pourrait durer de quelques mois à plusieurs années. Le nuage de poussières contaminées circulerait au long des latitudes pendant un temps indéterminé, ajoutant sa contribution au réchauffement climatique, touchant ainsi le monde dans son ensemble. Si les Etats-Unis, se trouvant aux antipodes, n’ont pas à se soucier des retombées de particules radioactives. Les autres devraient faire preuve de prudence.
La Russie et la Chine s’opposent aux Etats-Unis sur une option militaire et ne lui reconnaîtraient aucune justification. Cependant il est peu probable qu’ils aillent au-delà d’une condamnation de l’action israélo-américaine. Le sous-continent indien, largement ignoré par les pouvoirs en place, ne compte pas, sauf à recevoir de temps en temps une petite tape sur le dos pour sa servilité.
Cela n’est pas seulement surprenant, c’est inexplicable. L’Iran et Israël sont deux pays d’une importance majeure pour l’Inde sur les plans économique, militaire, géopolitique et géostratégique. C’est une évidence qui va sans dire. L’Inde, de même, est très importante au bien-être de l’Iran et d’Israël. L’Union indienne est un acteur négligeable sur la scène internationale du fait du manque de clarté ses objectifs et de l’absence d’un leadership compétent et ferme, capable de propulser le pays aux premiers rangs. Même dans son état semi comateux, si l’Inde décidait de prendre clairement position, aucun des deux pays ne pourraient ignorer ses efforts en vue d’une réconciliation alors que la situation constitue une menace pour l’avenir des deux pays et de la région.
Qu’est-ce que l’Inde est en mesure d’apporter pour sortir de l’impasse, qui se distinguerait des initiatives soutenues par les pays occidentaux ? Le principal atout dont elle dispose, en plus de son potentiel d’acteur international doté d’une puissance économique grandissante, est la relation mutuellement avantageuse avec l’Iran et Israël qui pourrait mener vers une plus grande prospérité dans ces deux pays. Loin d’être un poids léger sur le plan militaire, l’Inde pourrait contribuer de manière significative à la sécurité de la région. Les relations anciennes et profondes entre l’Iran et l’Inde et celles, concernant Israël, entre les juifs et les populations de l’Inde, jouent en sa faveur pour amener sinon une réconciliation du moins un relâchement des tensions et le rejet des solutions militaires.
Le Guardian a récemment interviewé des experts ayant « accès aux documents confidentiels » sur l’Iran, qui ont conclu que les Etats-Unis, leurs alliés européens et même Israël, sont d’accord sur le fait qu’il faudrait des années avant que l’Iran soit en mesure de se doter d’une tête nucléaire. On ne trouve pratiquement aucun expert pour affirmer que l’Iran se trouve au seuil d’un armement nucléaire dans un avenir proche. Dès lors l’option d’une frappe aérienne perd tous son sens. Elle doit donc être mise à l’écart pour le moment, d’autant que beaucoup de choses peuvent se passer au Moyen-orient et dans le monde au cours des prochaines années.
            A commencer par l’Iran. L’Inde étant un voisin très proche et un gros consommateur de son gaz, elle devrait engager un dialogue avec les dirigeants iraniens et les convaincre de rétracter ou modifier leurs déclaration extrêmement provocatrices sur l’Holocauste et le droit d’Israël à l’existence. Cette rétraction, même faite avec réticence, ne suffirait sans doute pas. Les dirigeants iraniens devraient assurer en privé l’Inde qu’ils arrêteraient de financer et d’armer le Hezbollah libanais. Les bénéfices retirés d’un tel changement de l’approche iranienne se manifesteraient dans l’avenir. L’Inde prendrait une position indépendante des Etats-unis et de l’Europe. S’ajoutant à celle de la Chine et de la Russie, une telle décision changerait l’équation de manière significative.
Quant à Israël, L’Inde dispose d’un levier important qui va bien au-delà de l’amélioration des relations qui a suivi l’ouverture des relations diplomatiques entre les deux pays. Comme nous l’avons déjà mentionné, il existe une profonde affinité entre les deux peuples. Les touristes israéliens visitent l’Inde en grand nombre et s’y sentent comme chez eux, plus qu’en aucun autre pays. Ces relations ne peuvent que se renforcer, à moins que la belligérance israélienne, rejetant toute prudence, ne distingue plus l’ami de l’ennemi. Dans une perspective à long terme, le renforcement de ces relations peut jouer un rôle majeur qui renforcerait la sécurité d’Israël dans la région. La seule assurance que l’Inde réclamerait à Israël à ce stade serait de renoncer à l’option militaire. Israël, malgré toutes ses clameurs guerrières n’est pas en position de pouvoir ignorer la persuasion amicale de l’Inde.
A la lumière de ces réflexions, le rôle de l’Inde pour stabiliser la situation entre Israël et l’Iran au Moyen-orient se dessine nettement. Tout retard ou tergiversation, tout doute sur soi-même, serait désastreux ou fatal pour la région.

New Delhi, 20 avril 2012
 


Le gouvernment a annoncé son intention de voter en faveur de la résolution soutenue par les Etats-unis contre le Sri Lanka après que le DMK, parti dominant au Tamil Nadu et allié de la coalition gouvernementale de l’UPA aie menacé de se retirer.

“Nuclear watchdog chief accused of pro-Western bias over Iran,” Julian Borger, The Guardian, 22 mars 2012.

 

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